Centre Régional d'Initiation à l'Écologie • Ferme d'Uccle • Région Bruxelles Capitale

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Ferme d'Uccle • Région Bruxelles Capitale

La morelle noire

Si vous avez déjà cultivé des pommes de terre, peut-être en avez-vous observé les fleurs, bien caractéristiques avec leurs 5 pétales en étoile et leur petit dôme d’étamines.

Crève-chien ou Herbe aux magiciens

Si vous avez déjà cultivé des pommes de terre, peut-être en avez-vous observé les fleurs, bien caractéristiques avec leurs 5 pétales en étoile et leur petit dôme d’étamines. Sachez alors que celles de la morelle noire lui ressemblent furieusement et rien de plus normal, vu que les deux plantes appartiennent à la même famille botanique, la famille des Solanacées et plus encore, du même genre, Solanum.

FLEUR MORELLE NOIRE

FLEUR POMME DE TERRE

 

La morelle noire, Solanum nigrum, est une plante annuelle dressée, de quelque 60 cm de haut, qui colonise volontiers les cultures et les parcelles potagères. Très fréquente aux abords des habitations, elle apprécie les terrains perturbés et les sols fertiles, riches en azote et en potassium.

Description

De couleur vert foncé, cette petite plante au port ramifié, est plus ou moins velue selon les individus. Les feuilles ovales alternent le long de la tige. Leur bord est entier, sinué ou légèrement denté. Les fleurs blanches regroupées par 5 à 10 s’épanouissent durant les mois de juillet à octobre. Constituées de 5 pétales blancs soudés à leur base, 5 étamines regroupées en un petit dôme entourant le pistil, elles donneront naissance, après pollinisation, à de petites baies rondes ressemblant à de minuscules tomates de 6 à 10 mm de diamètre et contenant, comme celles-ci, de nombreuses graines aplaties, blanc crème. D’abord vertes, elles deviennent noir violacé à maturité.

Dans nos régions, la plante est généralement considérée comme une mauvaise herbe et toxique, de surcroit ! Consommée par le bétail, la plante serait d’ailleurs à l’origine de cas d’empoisonnements qui lui ont valu le nom populaire de crève-chien. Il faut savoir que, tout comme chez les tomates, les aubergines et d’autres plantes de la famille des Solanacées, les feuilles ainsi que les fruits, avant maturité, contiennent de la solanine, un alcaloïde toxique. Il y a donc lieu de s’en méfier, même si plusieurs auteurs, dont François Couplan, rapportent que les feuilles sont consommées en cuisine après cuisson que ce soit en Grèce ou en Crête, dans différents pays d’Afrique, à la Réunion,  à Madagascar ou aux Antilles, en Chine et en Corée et que les fruits seraient comestibles, même crus, lorsqu’ils sont tout-à-fait mûrs et noirs.

Usages

Mais qui dit toxicité dit aussi, souvent, pouvoirs thérapeutiques. Ainsi, la morelle noire est connue de longue date pour ses propriétés analgésiques, antispasmodiques et sédatives, voire narcotiques. Dans la Grèce antique, elle était réputée atténuer les douleurs de l’estomac et soigner certains troubles cardiaques. Durant le Moyen-Age, on s’en servait pour « endormir » les patients avant une opération. Et au début du 20ème siècle, elle était encore utilisée régulièrement, que ce soit pour son pouvoir sédatif sur les douleurs ou comme narcotique léger. Aujourd’hui encore, Pierre Lieutaghi rapporte que les feuilles pilées et tiédies peuvent être utilisées en cataplasmes contre les douleurs rhumatismales ou, pour leur pouvoir émollient, en cas d’irritations cutanées. Son action anti-cancéreuse et antitumorale dans certains cas de cancers semble également confirmée. Cependant, malgré ces propriétés indéniables, qui feront certainement encore l’objet de recherches dans le futur, elle n’est plus prescrite de nos jours en raison de sa toxicité potentielle d’autant que les teneurs de ses composants peuvent varier fortement d’une plante à l’autre, d’une région à l’autre et en fonction de l’âge de la plante.

Mais attention, lorsque se côtoient toxicité et vertus médicinales, la sorcellerie n’est plus très loin et ce n’est pas par hasard qu’on l’appelle aussi herbe aux magiciens. Ainsi, en Europe, la famille des Solanacées, avec ses nombreuses plantes toxiques, voire mortelles, comme le Datura, la Belladonne et la Jusquiame, est intimement liée à l’histoire de la sorcellerie. On raconte, par exemple, que la morelle noire servait à préparer des onguents dont s’enduisaient ceux qui souhaitaient se transformer en loup-garou, de même que les sorcières, avant de se rendre, en songe, au sabbat ou encore, qu’elle aurait servi à confectionner une encre qui permettait de communiquer avec les défunts.

Alors, mauvaise herbe ou pas ? Mieux vaut peut-être jouer l’humilité et lui laisser au moins sa place indéniable dans le vaste réseau de la biodiversité. Plusieurs oiseaux comme le rougegorge, le merle noir, les grives, le bouvreuil pivoine, les pigeons, la corneille noire et plusieurs espèces de fauvettes qui en consomment les fruits avant de rejeter les graines dans leurs fientes et d’en assurer la dissémination ne diront pas le contraire. Laissons aux recherches médicales actuelles ou futures confirmer, ou non, si elle a déjà dit son dernier mot.

Sources :

  • Guide Delachaux des fleurs de France et d’Europe – David Streeter – delachaux et niestlé
  • Le livre des bonnes herbes – Pierre Lieutaghi – Actes Sud
  • Le petit Larousse des plantes qui guérissent – François Couplan – Larousse
  • Le régal Végétal, Plantes sauvages comestibles – François Couplan – Sang de la Terre
  • https://www.sauvagesdupoitou.com/82/417
  • https://www.jfdumas.fr/La-morelle-noire-Solanum-nigrum_a138.html