Centre Régional d'Initiation à l'Écologie • Ferme d'Uccle • Région Bruxelles Capitale

Centre Régional d'Initiation à l'Écologie
Ferme d'Uccle • Région Bruxelles Capitale

Zoom sur les abeilles de printemps

Photo © J.Kimbler

Vous avez dit abeilles ? Oui mais lesquelles ?

Près de 87% des espèces mondiales de plantes à fleurs sont pollinisées par des animaux dont la majorité appartient à la classe des insectes. Nous retrouvons principalement des espèces appartenant aux quatre ordres suivants : Hyménoptères, Lépidoptères, Diptères et Coléoptères. Un groupe particulier se trouve au sein des Hyménoptères, il s’agit du clade Anthophila, autrement dit, des abeilles. Ces dernières sont considérées comme les plus efficaces pour réaliser la pollinisation de la plupart des plantes à fleurs. Effectivement, elles se caractérisent par une morphologie et un comportement adaptés à la reconnaissance et à la manipulation de fleurs.

C’est environ 20 000 espèces d’abeilles qui sont recensées à l’échelle mondiale, le continent européen en comptabilise 2051. Nous retrouvons en Belgique un cinquième de cette diversité européenne, la Belgian Red List of Bees, publiée en décembre 2019, parle de 403 espèces.

Figure 1: graphique représentant la proportion des espèces d’abeilles au niveau du monde, de l’Europe et de la Belgique.

Vivent-elles toutes dans des ruches ? Font-elles toutes du miel ?

On répartit les espèces en deux catégories, les espèces solitaires (dites “sauvages”) et les espèces sociales (souvent domestiquées par les humains). On estime que 85% des espèces mondiales appartiennent au groupe des espèces strictement solitaires. Dans cette catégorie, les femelles fécondées construisent elles-mêmes le nid. Elles créent des cellules, qui seront approvisionnées en nectar et en pollen, avant de pondre un œuf dans chacune. Les larves se nourrissent des réserves et passent les différents stades de croissance jusqu’à atteindre le stade adulte, sans contact avec leur mère. Le deuxième groupe reprend les espèces d’abeilles sociales et “primitives eusociales”. Elles présentent une interaction plus complexe entre individus apparentés. En effet, au stade social le plus avancé, la femelle (reine) fécondée construit un nid et y élève ses filles (ouvrières), qui s’occupent de l’entretien du nid de la reine, et de continuer la construction. Reine et ouvrières forment une colonie, où les filles s’occupent de l’alimentation des filles supplémentaires, qui deviennent soit de nouvelles ouvrières, soit de nouvelles reines . Les espèces les plus connues, qui sont à un stade social avancé, sont Apis mellifera (l’abeille à miel) et Bombus terrestris (le bourdon terrestre, ou bourdon commun).

Et à Bruxelles ?

La région de Bruxelles – Capitale accueille plus de 150 espèces en plus de l’abeille domestique européenne (Apis mellifera). Bien que l’urbanisation continue sa progression et que des agricultures alternatives apparaissent de plus en plus dans nos campagnes, une ville comme Bruxelles permet à certaines espèces de trouver refuge et perdurer grâce à ses nombreux espaces verts (jardins, parcs, friches, réserves naturelles).

Au printemps, les larves de certaines espèces ont fini leur métamorphose et les abeilles adultes sortent des différents nids. On parle du premier pic de sortie des abeilles (le second pic étant au début de l’été). Voici un exemple d’espèces que vous pouvez observer depuis début mars :

L’Osmie cornue L’ Anthidie à manique
©NJ. Vereecken ©A. Decostre
Toutes deux des espèces qui nichent dans les tiges creuses des arbres
L ’Andrène vague (terricole) L’ Anthophore plumeuse (terricole)
©NJ. Vereecken ©NJ. Vereecken
La Mélècte commune (abeille-coucou) La Nomade poil de carotte (abeille-coucou)
©S. Falk ©NJ. Vereecken

Vous trouverez ici un document réalisé par Bruxelles-Environnement reprenant les abeilles principales présentes à Bruxelles :

Pour plus d’informations sur les abeilles dans Bruxelles, rendez-vous:

Vers un déclin ?

Bon nombre d’études nous informent, depuis les dix dernières années, sur le déclin des communautés d’abeilles sauvages et domestiques, notamment en Europe et Amérique du Nord, et sur l’évolution future de ce phénomène. Plusieurs facteurs en sont responsables, d’autant plus qu’ils sont interconnectés. La plupart de ces facteurs sont d’origine anthropique. Le projet SAPOLL (Sauvons nos Pollinisateurs)  les a regroupés en 7 catégories de facteurs de pression, agissant soit directement sur les insectes, soit sur leurs habitats et ressources alimentaires.

  • Le changement climatique. Celui-ci réduit la zone géographique habitable par les abeilles ; le sud de l’Europe étant moins favorable et le nord ne l’est pas nécessairement plus qu’auparavant. (Voir projet CliPS “Climate change and effect on Pollination Services”).
  • Le changement du paysage, et surtout la simplification des paysages. Les espèces d’abeille sauvage ont besoin d’un paysage diversifié pour trouver des sites de nidification adéquats, et des ressources alimentaires diversifiées.
  • L’intensification agricole qui contribue à renforcer le facteur précédent. Elle s’accompagne de l’arrêt des rotations, la pratique de la monoculture, l’enrichissement ou le surpâturage des prairies, l’avancée des périodes de fauche, sans oublier l’utilisation d’herbicides qui impacte la diversité florale, et donc alimentaire, pour les abeilles.
  • L’usage généralisé des pesticides, dont notamment les insecticides composés de néonicotinoïdes, dont l’impact sur l’état physiologique et comportemental a été observé sur certaines espèces. Les abeilles sont également exposées aux fongicides, ayant un impact présumé sur leur flore intestinale.
  • L’effet de compétition exercé par les espèces introduites et gérées par les humains. Il y a eu une introduction massive de pollinisateurs domestiques sur les cinquante dernières années, Apis mellifera et Bombus terrestris en milieu rural pour répondre à l’augmentation des surfaces de cultures mellifères. Une telle introduction engendre une compétition pour les ressources florales et les sites de nidifications, ainsi que des changements dans les communautés de plantes à fleurs.
  • La transmission de maladies depuis les colonies d’élevages vers les espèces sauvages. Les élevages présentent effectivement des conditions favorables au développement de pathogènes (virus, parasites, bactéries), facilement transmissibles aux espèces sauvages par l’intermédiaire des fleurs visitées.
  • La pollution de l’environnement dans lequel évoluent les communautés d’abeilles. Une étude de 2017 a mis en évidence les effets de la pollution lumineuse sur les interactions entre plantes et pollinisateurs sauvages [Knop et al., 2017].

Accueillir et aider les abeilles …

… En mettant des ruches ?

On entend parfois certains discours indiquant d’installer des ruches pour sauver les abeilles en déclin, ou pour polliniser un verger. Or, au vu des éléments présentés précédemment, il est plutôt évident que les ruches ne viennent pas à aider les espèces d’abeilles, bien au contraire. Pour faire un parallèle avec les oiseaux, l’installation de ruches reviendrait à installer des poulaillers à grande échelle pour sauver d’autres populations d’oiseaux en voie de disparition. D’autre part, une étude de 2020 indique que le service de pollinisation est plus efficace sur le rendement des vergers lorsque les ruches ne sont pas implantées directement sur les parcelles de cultures, et lorsque lorsque la pollinisation est réalisée par une variété d’espèces pollinisatrices.

… avec de la nourriture

Si les abeilles sont présentes, c’est qu’elles ont un lieu de nidification et des ressources alimentaires présentes dans un rayon de 100 à 300 mètres. Et qui dit ressources alimentaires, dit plantes en fleurs à la même période ! Pour soutenir nos abeilles, il est préférable de renforcer les variétés florales déjà présentes qui leur servent de nourriture. Il s’agit là de veiller à identifier les fleurs qui sont visitées par les abeilles, et pourquoi pas récolter les graines de certaines pour les ressemer. Attention, il s’agit généralement de plantes endémiques et il est important d’éviter d’implanter leurs cousines ornementales (nombreuses en jardinerie) qui sont bien souvent appauvries en nectar/pollen, ou qui n’ont pas une morphologie adéquate aux abeilles de nos régions. Il n’est pas rare que des abeilles meurent coincées ou noyées dans des fleurs exotiques.

Dans ce tableau nous reprenons une liste de plantes ayant une floraison démarrant aux alentours de mars :

Les arbustes
Nom Exposition Photo
Le genêt précoce(Cytisus praecox) soleil, mi ombre
La skimmia du Japon(Skimmia japonica) mi ombre, ombre
Les grimpantes
La glycine de Chine(Wisteria sinensis) soleil, mi ombre
Les vivaces
La bruyère carnée(Erica carnea) soleil, mi ombre
La rose de carême(Helleborus orientalis) soleil, mi ombre
La primevère officinale(Primula veris) soleil, mi ombre
La pulmonaire officinale(Pulmonaria officinalis) mi ombre, ombre
la Bergénie à feuilles charnues (Bergenia cordifolia) soleil, mi ombre
L’arabette du Caucase (Arabis caucasica) soleil, mi ombre

> Pour plus de ressources : 

Pourquoi des arbustes et des plantes grimpantes ?

Les abeilles sauvages, ou dites “solitaires” sortent en grand nombre au printemps. Néanmoins, elles ne sont pas les seules. L’abeille domestique, ou “sociale” s’ajoute au paysage, amenant ainsi un grand nombre d’individus. En effet, là ou un nid d’abeilles solitaires donne naissance à une dizaine de descendants, une colonie d’abeilles domestiques compte entre 50 000 et 60 000 individus! Le nombre de ruches en ville étant croissant, il est important de veiller à la présence en suffisance de nourriture afin de minimiser les interactions de compétition, ainsi que la transmission de maladies depuis les abeilles domestiques ! Voilà pourquoi il est plus avantageux d’implanter des arbres, arbustes, haies, plantes grimpantes, de manière à fournir assez de pollen et de nectar à toute la population de pollinisateurs.

Pourquoi des plantes indigènes ou indigènes naturalisées ?

Les interactions entre les plantes à fleurs et leurs pollinisateurs associés sont le fruit d’une coévolution étalée sur plusieurs centaines d’années. Ainsi, le nectar, le pollen, la forme des fleurs et la morphologie des différentes abeilles se sont adaptés entre eux au fil du temps. Lorsqu’on importe des plantes ornementales issues d’autres zones de la planète, les pollinisateurs se retrouvent face à une source de nourriture non adaptée (calice trop long par rapport à la longueur de la langue des papillons/abeilles pour accéder au nectar ; ou encore nectar trop pauvre en nutriment. C’est le cas des buddleias (autrement nommé “arbre à papillons”), très attractif pour les pollinisateurs, mais qui finit par faire mourir d’épuisement ceux qui ne se seraient nourris que sur cet arbre.

… avec de l’eau

Avec les variations climatiques, nous traversons certains étés des périodes de haute chaleur et de sécheresse. Les abeilles et de nombreux insectes sont victimes de déshydratation lors de ces épisodes de chaleur. Ainsi, lorsque la pluie se fait attendre depuis un certain temps, la solution est d’installer des abreuvoirs à insectes. Il suffit de disposer des billes ou des cailloux dans une coupelle d’eau. Il est important que les objets ne soient jamais totalement immergés. De cette façon, nos pollinisateurs peuvent se poser sur les surfaces sèches pour s’abreuver, tout en échappant à la noyade, très courante dans les fontaines et points d’eau artificiels.

> Pour plus de ressources : 

  • Une fiche pratique sur les abreuvoirs à insectes est également disponible sur le site du projet SAPOLL (“Sauvons nos Pollinisateurs”) 

… avec des sites de nidification

Les espèces d’abeilles sont réparties en deux catégories, celles qui nichent dans le sol (souvent des sols sableux et bien exposés au soleil), et celles qui nichent en surface (tiges creuses, fissures de murs et de châssis) ou dans des cavités souterraines déjà existantes (galeries abandonnées de rongeurs/abeilles, bois mort, coquilles d’escargots vides). 

Ainsi, il est préférable de maintenir certains tas de sable/terre sableuse, ou encore de favoriser le sable stabilisé entre les dalles de trottoirs et de cours (au lieu du ciment). Les abeilles dites “terricoles” y trouveront refuge pour y nicher et déposer quelques œufs qui pourront éclore l’année suivante. Vous pouvez également disposer quelques éléments pour les abeilles nichant en surface (abeilles dites “xylocoles” et “caulicoles”).

… quid des hôtels à insectes ?

Les hôtels à insectes sont plutôt d’intérêt didactique qu’écologique, et ce pour plusieurs raisons. Les abris accueillent principalement les espèces de surfaces et nichant dans des tiges creuses ou cavités murales et donc qu’une seule partie des espèces sauvages. Ensuite, la construction de grands hôtels vient à concentrer des populations importantes d’insectes, favorisant la circulation des maladies et parasites, tout en exposant les abeilles à un plus grand risque de prédation. Il est donc préférable de faire de petites constructions éparpillées sur un terrain, qu’une grande structure rassemblant toutes les possibilités de matériaux d’accueil. La seule condition est de veiller à ce que les petites structures bénéficient toujours d’une exposition ensoleillée (orientation des ouvertures vers le sud-ouest).

> Pour plus de ressources : 

Ressources pour aller plus loin

  1. Identifier les abeilles 
  2. Les rescencer
  3. Des  fiches pratiques du projet SAPOLL
  4. Ressources utiles (sites de référence, brochures, réseaux sociaux)
  5. Aider les abeilles, ressources par Bruxelles environnement

Références bibliographiques

  • Bartholomée, O., Aullo, A., Becquet, J., Vannier, C. & Lavorel, S. (2020), ‘Pollinator presence in orchards depends on landscape-scale habitats more than in-eld ower resources’, Agriculture,

  • Ecosystems & Environment 293, 106806.

  • Drossart, M., Rasmont, P., Vanormelingen, P., Dufrêne, M., Folschweiller, M., Pauly, A., Vereecken, N., Vray, S., Zambra, E., D’Haeseleer, J. et al. (2019), ‘Belgian red list of bees’.

  • Knop, E., Zoller, L., Ryser, R., Gerpe, C., Hörler, M. & Fontaine, C. (2017), ‘Articial light at night as a new threat to pol