Centre Régional d'Initiation à l'Écologie • Ferme d'Uccle • Région Bruxelles Capitale

Centre Régional d'Initiation à l'Écologie
Ferme d'Uccle • Région Bruxelles Capitale

Le tabouret bleuâtre ou tabouret des bois

Une fois n’est pas coutume, mais la plante présentée ci-dessous ne pousse pas spontanément en région bruxelloise. Aucune chance donc de rencontrer le tabouret bleuâtre au détour d’un chemin, dans les parcs, en forêt ou même dans les friches, si l’on ne quitte pas Bruxelles. Pour l’observer en pleine nature, il faudra se déplacer vers le sud ou l’est du pays et rejoindre les Ardennes ou la région liégeoise.

Noccaea caerulescens

Une fois n’est pas coutume, mais la plante présentée ci-dessous ne pousse pas spontanément en région bruxelloise. Aucune chance donc de rencontrer le tabouret bleuâtre au détour d’un chemin, dans les parcs, en forêt ou même dans les friches, si l’on ne quitte pas Bruxelles. Pour l’observer en pleine nature, il faudra se déplacer vers le sud ou l’est du pays et rejoindre les Ardennes ou la région liégeoise. Elle est notamment abondante sur les sols riches en métaux qu’elle affectionne particulièrement. Toutefois, sa présence dans certains potagers bruxellois en tant que plante cultivée pourrait bientôt devenir réalité, non pour la consommer, mais pour dépolluer les sols.

 

Le tabouret bleuâtre, Noccaea caerulescens, est une petite plante herbacée de 10 à 30 cm de hauteur, de la même famille que le chou, le radis, … la famille des Brassicacées.

 

 

 

Feuillage

Son feuillage vert bleuté est à l’origine du nom de l’espèce, caeruleus signifiant bleu du ciel, en latin. Annuelle ou bisannuelle, elle réalise généralement tout son cycle de vie en un ou deux ans.

Graine

La graine germe dès la fin de l’été pour donner naissance à une petite rosette de feuilles fort semblable à de la mâche. Non gélive, la plante passe tout l’hiver sous cette forme, supportant le manque de lumière et le froid.

Croissance

Sa croissance, très fortement ralentie durant cette période, reprend dès l’apparition des premiers beaux jours de l’année et, très rapidement, un groupuscule globuleux formé de nombreuses petites fleurs apparaît au centre de la rosette. Il est alors porté par une très courte tige.

Fleurs

Les fleurs, typiques de la famille des Brassicacées, se composent de 4 sépales, 4 pétales, 6 étamines et un pistil. Les pétales sont de couleur blanche, parfois légèrement teintés de rose. Ils ne dépassent guère 2 à 3 mm.

Les fleurs, à peine entrouvertes, laissent émerger leur pistil, partie supérieure de l’organe femelle, déjà prêt à recevoir du pollen.

 

 

Fécondation

Les étamines, elles, ne se déploient que dans un deuxième temps, lorsque la fleur est pleinement ouverte, ce qui limite l’autofécondation et protège la plante d’une trop grande consanguinité, même si l’autofécondation est également fréquente.

Les anthères ou sacs à pollen, de couleur pourpre, libèrent un pollen jaune, chargé de féconder les ovules contenus dans la partie inférieure des pistils, l’ovaire.

Une fois la fécondation réalisée, la fleur fane et se transforme en un fruit aplati en forme de cœur à deux loges, la silicule, chaque loge contenant de 2 à 6 graines.

En même temps, petit à petit, la tige florifère, ou hampe florale, s’allonge. Dans le bas, les premières fleurs apparues s’espacent et se transforment en fruits tandis que dans le haut, de nouvelles fleurs continuent à s’ouvrir.

De nouvelles tiges florifères apparaissent également à la base des feuilles et suivent le même processus. La floraison s’étale du mois de mars au mois de juin-juillet.

Le tabouret bleuâtre, aussi appelé tabouret des bois, aime les stations chaudes, bien exposées, et les sols légers et drainants.

Ainsi, il colonise les talus en bord de routes et les lisières forestières, d’où son deuxième nom. Mais c’est surtout l’une des rares plantes, à pouvoir se développer sur des sols riches en métaux (notamment, le zinc, le cadmium, le plomb et le nickel), qu’ils soient d’origine naturelle ou le résultat d’une activité industrielle.

La concentration en métaux des sols métallifères étant toxique pour la plupart des autres plantes, la petite Noccaea caerulescens s’y développe à l’abri de toute concurrence !

 

Mais comment se débrouille-t-elle pour survivre dans de telles conditions ?

La tolérance de la plante vis-à-vis des métaux toxiques s’explique par sa capacité à les stocker dans ses tissus, essentiellement au niveau du feuillage, dans des petits compartiments intracellulaires où ils sont isolés, ce qui permet à la plante de s’en protéger.

Les métaux peuvent s’accumuler pour atteindre des concentrations allant jusqu’à 100 à 200 fois celles trouvées dans les plantes avoisinantes, ce qui rend la plante elle-même toxique. On parle de plante hyper-accumulatrice !

Le tabouret bleuâtre accumule ainsi le zinc, le cadmium et le nickel, mais pas le plomb. Si elle est bien adaptée à tolérer ces 4 métaux, elle ne supporte pas les concentrations élevées en cuivre dans le sol.

La spécificité de ces sites métallifères, colonisés par une flore tout-à-fait particulière et unique (Viola lutea subsp. calaminaria, Armeria maritima subsp. halleri, …) leur a valu, aux sites et au tabouret, un statut de protection particulière : site de grande valeur biologique d’un côté et plante protégée de l’autre.

Différentes populations de Noccaea caerulescens se sont développées sur des sites relativement éloignés les uns des autres et présentant des concentrations en métaux parfois très différentes.

Ayant évolué dans des environnements très différents, elles ont donné naissance à des souches (écotypes) différentes, plus ou moins tolérantes et/ou accumulatrices de ces métaux.

Cette aptitude à coloniser les sols pollués voire, à en extraire les polluants, est aujourd’hui valorisée dans la gestion des sites pollués.

De par sa simple présence, la plante permet pour le moins d’assurer la fixation des sols. Mais sa capacité à extraire et stocker les métaux toxiques dans ses feuilles est étudiée aujourd’hui pour être mise à profit dans des processus de dépollution des sols. On parle alors de phytoextraction : la plante cultivée sur le sol pollué extrait et accumule les métaux. Elle est ensuite fauchée, emportée et traitée hors site, ce qui permet de diminuer progressivement le niveau de pollution. Dans le meilleur des cas, les métaux pourraient même être récupérés et valorisés !

 

Illustration : Laboratoire d’Ecologie végétale et Biogéochimie de l’ULB

 

CiDéSol, un projet de recherche sur la dépollution des sols avec et par les citoyens !

Alors que notre petite plante a déjà fait ses preuves en milieu académique, il reste à expérimenter très concrètement si elle pourra permettre la dépollution des sols contaminés par les métaux lourds en région bruxelloise en étant prise en charge par les citoyens eux-mêmes. C’est l’objet d’un projet de recherche en co-création, financé par Innoviris, et qui a démarré en novembre 2020. Il sera présenté plus en détail, dans un prochain communiqué.

 

Bibliographie

  • Les milieux calaminaires, la biodiversité au service du patrimoine, D. Rosengarten, L’Erable, 2010-2
  • La phytorémédiation, Dominique Fournon, Thèse de Doctorat en Pharmacie, Université de Grenoble, 1999
  • Distribution, écologie et évolution de l’hyperaccumulation des éléments en traces par Noccaea caerulescens, Cédric Gonneau, Thèse de Doctorat en Sciences Agronomiques, Université de Lorraine, 2014
  • Système de reproduction et adaptation à la toxicité du sol chez la Brassicacée pseudo-métallophyte Noccaea caerulescens, Mathilde Mousset, Thèse de Doctorat en Sciences Agronomiques, Université de Montpellier, 2016
  • Phytoextraction du cadmium et du zinc de sols urbains : optimisation de la culture de Noccaea caerulescens, Arnaud Jacobs, Thèse de doctorat en Sciences Agronomiques et Ingénierie biologique, Université Libre de Bruxelles, 2018